Décembre 1993:
Les contes de fée vous parleront des rues agitées de la ville où s'avancent avec prudence les passants, laissant derrière eux la trace de leurs pas et une buée volatile. Emmitouflés dans leurs écharpes, pressés d'aller se mettre au chaud ou de siroter un chocolat crémeux au coin du feu. Une atmosphère que le blanc de la neige rend pure et presque irréelle, un hiver féerique. Les nuages laissant s'envoler leurs flocons pelucheux, virevoltant dans les airs comme des confettis à la fête pour l'arrivée d'un nouvel être en ce monde. C'est joli hein ? Mais y a pas de neige à Hong Kong en fait. Pas depuis 1975 et encore, les deux trois flocons de l'époque tiennent plus du mythe urbain que d'un réel caprice climatique. La température descend difficilement dessous les 15°c et les plus emmitouflés ont simplement enfilé un gros pull en laine. Les rues sont joyeuses, grouillantes, animées et bruyantes. Autant que les couloirs de l'hôpital dans lequel vient de naitre une fleur. Zhilan, un mélange d'iris et d'orchidée. Zhilan, quelques heures à peine et déjà trimbalée des bras mal habiles de son grand frère à ceux pas plus assurés de son père, finissant toujours par revenir à ceux de sa mère lorsque plus personne ne parvient à faire taire ses pleurs. Bref, une naissance d'hiver à Hong Kong des plus banales. Dernière pièce d'une famille soudée et aimante comme on en voit plus tellement à notre époque.


Mars 2009 :
Zhilan a 15 ans et son monde intérieur, depuis toujours vêtu des douces couleurs de l'insouciance, entre en collision avec la réalité d'un monde parfois cruel. Son père est mort, décédé dans un accident de moto des plus banales. Un deuil qui plonge une enfant lumineuse dans une bulle froide et grisâtre. Les Wei sont une famille sans histoire et sans problème majeur. Deux adolescents sages et douées, différents mais s'entendant à merveille. Les premières semaines sont passées dans le réconfort constant qu'ils peuvent s'offrir les uns aux autres. Mais, comme si la mort du père avait été la dissolution de la glue les collant ensemble, mère, frère et sœur, finissent par s'éloigner. La communication s’effrite et chacun finit par se retrouver seul avec sa mélancolie, chacun avec son propre moyen de gérer l'absence d'un être aimé. Maman travaille comme une acharnée, prête à enchainer deux emplois pour maintenir le train de vie de sa famille. Un train de vie loin d'être indécent, mais peu importe les économies qu'avait son mari, avec deux enfants atteignant bientôt l'âge de l'université, l'argent finira par manquer, à un moment ou un autre. Le frère quant à lui, se plonge corps et âme dans ses études, il vise l'excellence. Tiraillé entre espoir et amertume qu'est courir après une incroyable carrière qui aurait su rendre fier ce père parti trop tôt. Zhilan, enfant de douceur rêveuse, tente d'être là pour eux, autant que possible. Espérant, souvent dans le vide, qu'ils finiront par revenir à elle. Elle s'épuise à courir après leurs présences et finalement, elle aussi ne sera plus qu'une ombre passante sur les murs de la maison familiale. A défaut de retrouver sa candeur et son sourire aux côtés de sa famille, c'est aux côté de ses amis qu'elle redevient petit à petit elle-même. De ses amis et de son amoureux. Zhilan à 15 ans et elle a rencontré l'amour de sa vie, elle en est convaincue.


Juin 2013 :
Face à la solitude apportée par une famille en démantèlement, Zhilan s'est réfugiée dans sa bulle, dans son monde, dans son petit bonheur rien qu'à elle. Et à lui bien entendu. Bête de cet émois qu'elle rêve exceptionnel, il est devenu son monde. Son histoire parfaite. Ou presque. La première année est idyllique, elle a le goût des happy end qui auront bercés son enfance et lorsque les choses se compliquent un peu, sa naïveté obstinée vire rapidement au déni. Tout va bien, elle s'en est convaincue toute seule, comme une grande. Même lorsque son frère et sa mère semblent à nouveau se soucier d'elle. Ils font de leur mieux pour les éloigner, décriant celui qui est son plus grand amour à coup de "il est bien trop vieux pour toi", "tu es beaucoup trop jeune pour vivre avec un homme", "tu ne vois donc pas qu'il n'est pas clair ?", "son attitude ne me plait pas", "j'aime pas sa gueule". On va jusqu'à l'argumentation la plus bancale possible pour souiller son histoire et dans la bêtise aveugle d'un amour adolescent, c'est cette fois de son plein gré et d'un véritable claquement de porte que Zhilan prend le large. Son amoureux est originaire de Séoul et, convaincue que plus rien ne la retient à Hong Kong, c'est là-bas qu'elle le suivra. Personne ne mettra plus en péril son monde si paisible, pas même elle. Zhilan est naïve, Zhilan est butée, Zhilan est amoureuse. Et puis, un beau jour, Zhilan n'est plus rien de tout ça. La petite bulle déjà malmenée de son petit monde de mièvrerie éclate. Elle qui pensait ramener à la maison une grande nouvelle, une bonne nouvelle. Un ciment pour leur amour et pourquoi pas une douceur qui lui rendra l'homme qu'elle connaissait au début. Celui qui la regardait comme si elle était ce qu'il avait de plus précieux au monde, celui qui lui avait rendu les couleurs de son âme d'enfant, celui qui peuplait ses rêves et en faisait un recueil de douceurs. Celui qui ne buvait de l'alcool qu'à l'occasion, lorsqu'il sortait avec des copains. Celui qui lui faisait voir le monde et l'épaulait dans ses décisions. Celui qui s'énervait d'une manière assez mignonne et qui connaissait les définitions des mots respect, communication, liberté, tendresse et concession. Cet homme, elle était bien trop aveuglée pour le voir s'éteindre et une gifle phénoménale est un réveil brutal, point final d'une histoire qui battait de l'aile il y a déjà bien longtemps. Alors c'est seule qu'elle vivra cette aventure fantastique. Zhilan à 19 ans et sa plus grande aventure s'appelle Tian. Petit miracle qui, à défaut d'avoir cimenté la famille que Zhilan voulait, aura réuni celle qu'elle pensait avoir perdu. Tian, quelques heures à peine et déjà trimbalé des bras mal habiles de son oncle à ceux plus assurés de sa grand-mère, finissant toujours par revenir à ceux de sa mère dont il a les yeux mordorés.


Novembre 2013 :
Le calme est revenu sur la maison familiale, même si Tian ne fait pas encore ses nuits et une certaine routine s'installe. Une routine où maman travaille, où le frère travaille et où Zhilan distribue son temps entre son fils, un petit boulot et le dessin, une passion dévorante qu'elle entretient depuis qu'elle sait tenir un crayon. Une routine où, à la fin de la journée, ils sont de nouveau ensemble. Un train train quotidien qui leur permet de réapprendre à se connaitre, à vivre ensemble, à reconstruire les liens qui les unissait autrefois. Peut-être même sont-ils finalement plus forts. C'est dans les petits moments de joie où elle observe sa maman sourire de toutes ses dents pour faire rire Tian ou ceux passés au soleil à grignoter avec son frère en discutant de tout et de rien que Zhilan est parfois prise d'amertume. Toutes ces choses, elle y avait renoncé sans honte ni remord. Elle qui avait souffert de leur absence, avait décidé de les abandonner purement et simplement. Et pourquoi ? Leurs vies avaient continuées, sans elle. Toute une ribambelle de moments privilégiés dont elle ne saura jamais rien. Mais peu importe, ils en créeront d'autres. D'autres moments, loin d'Hong Kong. Et peut-être était-ce la chose à faire depuis le début. Partir, se reconstruire là où tout est nouveau, une sorte de nouveau départ. Une nouvelle vie sous le soleil de Santa Ana, en Californie. Rien qu'eux quatre. Eux quatre et un nouveau beau père.


Septembre 2017 :
Elle n'a pas de diplôme et aucune bonne histoire de campus à raconter. Mais Zhilan a l'expérience, le vécu. Elle a des heures, des jours, des semaines, des mois et des années d'acharnement. Elle aura tout appris par elle-même, allant de tant en tant suivre quelques cours par-ci par là pour perfectionner une technique ou l'autre, pour être corrigée et continuer de plus belle son apprentissage frénétique. Ce n'est pas que des couleurs chatoyantes qui s'étalent sur ses feuilles, ses toiles, ses murs et parfois même ses bras graciles. Se sont des petits bouts d'elle-même, ce sont les éclats de ce monde intérieur qu'elle livrera à qui voudra bien les regarder, les admirer. Zhilan aurait pu devenir de ses adultes que les épreuves de la vie assombrissent et finissent par effacer. Ne laissant derrière que le fantôme maussade de ce qu'ils avaient un jour été. Dans l'adversité, elle aurait pu se dénaturer, mais le monde de Zhilan brille, comme il brillait lorsqu'elle était encore enfant. Dans la tempête, elle aura côtoyer les fonds marins et ramassé les coquillages de son insouciance, de son innocence, de sa fantaisie et des ses rêves éparpillés. Remontant à la surface parfois in extremis et le souffle court, mais les bras chargés des trésors qu'on avait essayé de lui dérober. Dans un premier temps, elle garde ses petits trésors, ne les partageant qu'avec ces proches et puis, avec le temps, elle s'expose. D'abord par le biais d'un blog d'illustration, puis par celui d'un site "officiel" et finalement par un livre pour enfant. "Les hirondelles annoncent l'orage", c'est avant tout quelques pages de douceurs qu'elle voulait offrir à son fils. Une petite histoire en image pour l'accompagner lorsque ses jours sont gris. Elle a côtoyé la douleur alors elle lui offre de la tendresse et de l'espoir, elle a côtoyé la solitude alors elle lui offre de la compagnie, du soutient et de l'évasion, elle a côtoyé le noir alors elle lui offre ses couleurs. Dans la fougue de sa passion débordante, les pages se multiplient et bientôt il y en a des centaines. Assez pour ne choisir que le meilleur et partager.  A ces enfants qu'elle souhaite ne jamais voir grandir, elle veut offrir ce que le monde a fait de plus beau: l'opportunité de rêver. C'est avec le soutient de son beau-père que le projet voit le jour et en feuilletant doucement les pages qui sentent bon l'impression tout fraiche, ils ne savent pas quoi faire des émotions qui les submergent alors ils échangent un sourire ému et Zhilan se remet à dessiner de plus belle. Et c'est avec un portofolio plein à craquer qu'elle suit les nouveaux conseils de son beau-père. Soutenue par l'optimisme infaillible de sa mère, l'honnête fierté de son frère et les yeux pétillants de bonheur de son fils, elle envoie son dossier à la Disney's Academy. Comme dirait l'autre: "the rest is history."

Zhilan est plus l'image qu'on se ferait d'une enfant que d'une jeune femme responsable. D'ailleurs, c'est sans jamais faire l'effort de la connaitre que beaucoup utilisent le mot "irresponsable" pour la décrire. Comme si la voir sauter à pieds joints dans les flaques en compagnie de son fils, ou arpenter les rues déguisée en licorne avec un Tian aux éclats sur le dos pouvait leur donner la moindre idée de qui elle était. Peut-être un peu, mais cela dégage le même genre de pertinence qu'un résumé. Ils lisent deux lignes et pensent déjà tout savoir de ce que l'histoire raconte. C'est vrai, Zhilan est un tantinet femme-enfant. C'est facile à voir et ce n'est pas comme si elle faisait quoi que ce soit pour le cacher. Elle sourit aux inconnus, elle chantonne ses pensées, elle peint ses rêves, elle trottine en riant. Elle a ce geste inattendu et spontané que les gens de son âge et de sa position ne sont plus censé avoir. Comme si être un adulte véritable était s'effacer, se dénaturer, subir et arrêter de rêver. Comme si élever un enfant c'était lui apprendre la méfiance, la peur, la douleur et la conformité. Comme une mère, elle lui apprendra qu'il ne faut pas courir avec des ciseaux, mais comme une enfant, elle coupera avec lui dans les draps pour créer un déguisement de fantôme. Comme une mère, elle lui apprendra à traverser la rue en sécurité et à ne pas suivre les étrangers, mais comme une enfant elle veut lui montrer qu'il ne faut pas avoir peur du monde qui l'entoure. Comme une mère elle lui apprendra à respecter ses ainés et a évoluer dans la société, mais comme une enfant, elle le poussera a vivre et penser pour lui-même, par lui-même. Comme une mère elle sèchera ses larmes face au cauchemars, mais comme une enfant, elle lui montrera qu'on peut être ami avec le monstre qui vit sous le lit. Oui Zhilan est fantasque, oui Zhilan est candide, mais elle n'est pas irresponsable et sous ses airs de chaste innocence, se cache une jeune femme qui, malgré les épreuves, a décidé de continuer à sourire, de continuer à briller. Aussi chatoyante que les décorations de Noël qu'elle aime tant. Cette aura insouciante, beaucoup l'apparente à de la bêtise et pourtant Zhilan n'est ni bête, ni réellement insouciante. Comment pourrait-elle l'être ? Mais si c'est ce qu'il leur plait de croire, qu'ils fassent, ça lui importe peu. S'il y a bien quelque chose dont elle peut se vanter auprès des gens de son jeune âge, c'est qu'elle sait qui elle est. Sous ses airs parfois fragiles, se cache une femme forte et pleine de passion, d'esprit et de convictions. Il suffit de passer au delà de ses airs loufoques pour s'en apercevoir, ce n'est pas enfoui très loin. Ce n'est pas enfouit du tout en fait.
Extrêmement ouverte d'esprit, tolérante, tendre et attentive, Zhilan est de ces personnes qui ont le cœur sur la main. Mais elle, elle ne l'a qu'une fois. Si elle fait de son mieux pour déjouer les mécanismes de méfiance que les épreuves de la vie lui auront fait adopter, elle est malgré tout devenu une personne extrêmement rancunière. Ce n'est pas un trait de caractère dont elle est folle. Encore moins que sa rancune l'envoie directement à la case du Greemlins. Déçue et trahie, Zhilan se transforme et déploie des trésors de méchanceté que personne n'aurait pu soupçonner pour quelqu'un avec un si bon fond. Non elle n'en est pas fière, mais au bout de l'histoire, il suffit de pas grand chose pour la comprendre. C'est donc plutôt dans les mauvais moment qu'on peut se rendre compte que son apparente innocence n'est que la partie visible de l'iceberg et lorsqu'on a le loisir d’apercevoir la partie immergé, on finit bien souvent noyé.

Lorsqu'elle était enfant, son père la comparait à une pie. Non pas qu'elle ait un goût particulier pour le vol, loin de là, mais plutôt à cause de sa fascination pour tout ce qui brille. Vous voyez les décorations lumineuses suspendues que les villes mettent souvent en place à Noël ? Et bien je vous présente le pire ennemi de la demoiselle. On ne compte plus les fois où, trop obnubilée par ce spectacle presque féérique, elle se retrouve le cul par terre ou le nez contre un poteau. Les paillettes ? Toujours en mettre partout, règle de base. Les lampions ? Oh mon dieu, si elle pouvait en couvrir toute l'étendue de son plafond, elle le ferait et il ne ferait jamais nuit chez elle. Les feux d'artifice, les couleurs flashy, les arc-en-ciel,... c'est frénétique comme amour ! A la pelle, elle aime aussi: changer de couleur de cheveux, les hamburgers, les bouquins de seconde main, les vêtements et les accessoires (surtout les accessoires) la lumière du printemps et les nuits d'hiver, les animaux tout pelucheux, l'odeur de la mousson, l'aquarelle ou tout ce qui peut lui permettre de dessiner en fait. Oh et par dessus tout, il y a son fils et sa famille.

Sans être une jeune femme particulièrement difficile, il y a aussi quelques trucs qui lui tapent littéralement sur la courgette. Comme: les endroits bondés et bruyants, les gens qui mastiquent la bouche ouverte et ceux qui portent des habits trop petits pour eux, les donneurs de leçon et les je sais tout, les odeurs mélangées des parfumeries, les taxis, les mots cucurbitacée et néoprène, les gens qui se prennent trop sérieux et les menteurs, l'alcool, les micro-ondes, la période de la grippe à l'école,... si si promis, elle est pas chiante comme fille au fond.

Ma taille est probablement mon point commun principal avec Bartok la chauve souris et Mushu le dragon, mon âge s'apparente plus à celui de Cruella d'enfer... à quelques décennies près et je suis dans la tranche d'adorabilité d'un mélange entre Stitch, Yzma lorsqu'elle se retrouve transformée en petit chat et Iago. Coeur coeur