Captain & Wanda

Une soirée comme toutes les autres, depuis six ans maintenant. A peine a t-il décroché le bureau, qu'il est déjà en route pour un bar, la gorgée sèche, les pensées sombres, avec la seule idée en tête : S'oublier, se noyer dans l'alcool, et ne plus se souvenir de rien demain. Chaque soir il opte pour un établissement différent, un pour chaque jour de la semaine. Comme ça, on ne lui colle pas l'étiquette de l'alcoolique chronique qu'il est pourtant. Il vient de débarquer à Anaheim, mais il sait soigner son étiquette, tout du moins, pour l'instant.

Son arme coincée dans son pantalon, dans le dos, son insigne de policier accroché à la ceinture, sur sa hanche, il pénètre dans ce bar Français qu'il ne porte pourtant pas tant dans son cœur. C'est le bar le plus chiant de la ville, trop de couples, trop de gens qui s'aiment, qui rient, et peu d'alcools forts. Surtout des vins, tous plus chers les uns que les autres, et jamais assez alcoolisé selon les papilles fusillées du militaire. Pourtant c'est le jour du café parisien, alors il s'en contentera.

« Un Whisky, et l'herbe du jour stp. »

Le serveur commence à le cerner, il sait qu'il parle d'une salade. D'habitude il prend un sandwich français, mais il manque de monnaie alors il se contentera de jouer le lapin. Soupirant d'ennuie, il s'assoie et sirote son verre en silence, avalant sa salade sans grande envie. Il préfère boire, et il enchaîne ses verres de whisky un peu trop rapidement aux yeux du serveur, qui d'ailleurs, s'est tournée vers sa voisine, qu'il n'avait pas remarqué jusqu'ici. Aussi silencieuse que lui, mais le visage bien dépitée pour une aussi jolie fille. Elle a trop bu, ça se voit à la couleur de ses joues, la taille de ses pupilles et l'humidité de ses yeux. Elle n'est donc pas alcoolique, ni habituée à boire beaucoup. Riggs en étire un petit sourire, en le remarquant, et de ses yeux bleus, il suit la main de l'inconnue qui atterrit dans son panier à pain. Elle n'a pas l'air de s'en rendre compte, son corps est là, mais son esprit est ailleurs. Il arque un sourcil en avalant sa bouchée, avant de remonter son regard jusqu'au visage éteint de l'inconnue.

« Le pain partagé est toujours meilleurs que solitaire. »

Elle revient à elle visiblement, puisque sa main se fige et ses yeux, qu'elle a de fort jolies d'ailleurs, rencontrent les siens. Pour la rassurer, parce qu'il se doute qu'elle va prendre conscience de son geste, il lui sourit gentiment, et pousse délicatement, de son pouce, la panière à pain vers elle.

« Vous m'avez l'air bien déprimée, ça sent la peine de cœur. »

Ajoutait-il d'une mine curieuse, se mêlant probablement de ce qui ne le regarde pas. Le serveur lui, roule des yeux à voir les deux alcooliques se rapprocher. Il s'empresse de servir le verre qu'Adam attendait, juste au moment ou celui ci reportait son attention sur l'employé.

« Vous en servirez un autre pour la demoiselle en détresse, mettez le sur ma note. »

Il n'était même pas certains d'avoir assez pour le payer, mais il avait sa propre page sur le carnet des dettes du bar, alors ça n'en ferait qu'une de plus. Le serveur, déconcerté, déposait alors un verre de whisky pur devant Jude.

« Vos ennuies ne s'envoleront pas avec du vin, croyez moi ma jolie. »

Il attrapait son propre verre pour en boire quelques gorgées, tout en abaissant l'azure de ses yeux vers sa salade qu'il terminait calmement, jouant l'homme détaché pour ne pas qu'elle ne se fasse trop vite des films. Bien qu'il soit du genre à ramener n'importe qui dans son Motel, il aimait bien jouer aussi.

Captain & Wanda

Lui qui passe son temps ivre mort, à broyer du noir, se surprend là à remarquer l'état pitoyable de sa voisine. D'habitude, il ne se soucie pas vraiment des autres, quoi qu'il lui soit peut-être arrivé une ou deux fois de profiter de la détresse d'une femme pour la ramener chez lui, et en faire son casse-croûte. L'idée lui avait probablement traversé l'esprit ici, face à Jude. Quand on fuit toute attache, on est souvent confronté à des petits besoins primaires qu'il faut assouvir, et les coups d'un soir, c'est devenue son habitude. Y songeant fortement, il étudiait discrètement Jude de haute en bas, cherchant à savoir si elle serait à la hauteur de ses attentes. Faut dire qu'elle a de quoi gagner de bons points. De jolies formes, de longs cheveux dorés, et des yeux absolument sublimes. Le gars qui l'avait lâché devait probablement être gay... « On ne peut pas être déprimé pour autre chose je pense... »

« Ho détrompez-vous... »

Répondait-il simplement, les yeux retombés sur son verre. Pourquoi les gens pensent-ils tous qu'il n'y a que l'amour pour être heureux, ou malheureux ? Il y a tellement pire sur terre. Lui il se plait dans sa solitude. Se marier, avoir des gosses... Ca l'inquiéterait. Se rendre malade qu'un autre gosse agresse le tien. Que ta femme se fasse renverser par un camion. D'un gros maboule de terroriste fasse péter la fête foraine ou joue tes deux gamins. C'est mieux, la solitude... « J'ai l'air si désespérée que cela ? »

« Hey, au moins je vous ais arraché un sourire! »

Rétorque t-il malicieusement, se penchant légèrement vers elle avec intérêt. Peut-être n'était-ce pas un réel intérêt très fondé, mais il cherchait à la charmer, la rassurer, et ainsi, ne pas rentrer seul chez lui ce soir. Oui, il avait bien choisi sa proie. Les filles en peine de cœur sont souvent les plus faciles à emballer. « Vous avez l'air d'en savoir un paquet sur les alcools à boire pour ces moments là... » Ho elle ne savait pas à quel point. Haussant les épaules et les sourcils, il pose ses doigts tout autour de son propre verre, avant de soupirer légèrement, presque gêné par la question.

« Disons que j'ai de bonnes raisons. »

Et elles sont bien loin de la peine de cœur. A son stade ce n'est même plus chercher à simplement oublier. C'est devenue une maladie. Il est alcoolique, il le sait, et ne fait pas grand chose pour s'en sortir.

« C'est quoi, le petit nom de votre briseur de coeur ? »

Il tentait de s'intéresser à son problème pour gagner sa confiance. D'un côté il s'en fichait pourtant, mais d'un autre, il pouvait s'instruire. Lui qui n'a aucun lien social, apprendre les douleurs et les peines des autres pouvaient être une bonne école. A passer ses soirées entières dans les bars, il commence à être un bon observateur.

« Qu'est-ce qu'il a fait de mal ? »

Il marquait un petit silence avant de finalement rapprocher son tabouret de celui de Jude, et le long du comptoir, lui tendre la main pour se présenter plus poliment.

« J'aurais peut-être dû vous demander le votre avant ? Moi c'est Adam. »

Captain & Wanda

« C'est moi la fautive. » On se dit souvent ça. Mais finalement, on est vite sujet au sentiment de culpabilité, plus que l'on ne l'est réellement. Adam l'avait bien comprit au fil du temps, surtout sur le champs de guerre, à regarder ses frères tomber les uns après les autres. Au début, on a l'impression que c'est de notre faute, qu'on aurait pu tirer plus vite que l'ennemi pour sauver une vie. Mais... Ce n'est pas lui qui l'a déclenché cette guerre. Alors il a apprit à relativiser, à faire la part des choses. S'il pouvait aujourd'hui se sentir coupable, c'était seulement pour l'alcool. Ça c'est de sa faute. Il a choisi l'option la plus facile pour ne pas souffrir : Se noyer. C'est tellement plus supportable que de laisser ses images envahir son esprit. « J'étais fiancée à un homme fabuleux... Jay, le type d'homme qu'on ne laisse pas filer. Romantique, intelligent, suffisamment gamin pour s'amuser... Mais on m'a proposé un boulot pour 6 mois dans un autre pays et j'ai accepté. Le laissant derrière moi.... » Il échappait un petit rictus à l'écouter, levant son verre à ses lèvres. Jay, ça lui rappelait le petit Miller qu'il a déjà croisé un peu trop souvent à son gout. Une fois parce qu'il est venu payer la caution d'Anwar, et la seconde fois... Parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment. Adam lui avait passé les menottes aux bras un peu trop hâtivement, et le pauvre anglais avait manqué de finir avec un casier judiciaire. Honnêtement, Adam aurait adoré lui en ouvrir un, mais il n'avait rien trouvé sur son compte...

« Le monde serait quand même petit, mais... Jay Miller ? »

Demandait-il innocemment, penchant légèrement le visage vers elle, alors qu'il reposait son verre presque vide.

« Non pas qu'il fasse parti de mon entourage, mais j'ai eu affaire à lui au poste dernièrement, il était avec sa copine, Lucia. »

C'était sûrement pour ça qu'elle était déprimé. Il pointait discrètement son insigne de Police pour qu'elle comprenne de quel poste il parlait. Reniflant, Adam fixait son verre avant de relever l'azure de ses yeux sur elle, laissant un compatissant petit sourire de dessiner sur ses lèvres.

« Entre nous, elle ne vous arrive pas à la cheville. »

Ajoutait-il pour lui remonter le morale, et surtout, s'attirer ses bonnes faveurs. « Et maintenant que je suis revenue, ce n'est pas aussi simple... On ne peut pas revenir en arrière, du coup on essaie d'être amis, mais je ne sais pas si ça va fonctionner... » Haussant les épaules, il se concentrait sur le fond de son verre qu'il avalait d'une traite, avant de relever le bleu de ses yeux vers ceux de Jude. Il s'y arrêtait pour capter son attention, espérant peut-être aussi, qu'elle soit rapidement charmée par son propre regard.

« C'est beaucoup plus facile de passer de l'amitié à l'amour, que de l'amour à l'amitié. »

Assurait-il toujours ce fin sourire aux lèvres, avant de se pencher vers le bar pour tendre son verre au barman qui ne tardait pas de le lui remplir encore une fois. Adam était si habitué à boire, qu'il lui fallait bien trop pour que l'alcool ne lui monte à la tête. Et si le barman le trouvait fatiguant, il ne pouvait que reconnaître qu'un bon client comme ça, ça se caresse dans le sens du poil. « enchanter... Moi c'est Jude... » Jude. C'est drôlement jolie comme prénom. Il ramenait son verre plein vers lui, le tenant fermement entre ses deux mains, vers son torse, tendis que l'une de ses jambes tapotait nerveusement le sol.

« Hey... Jude! »

Chantonnait-il sur la mélodie des Beattles, avant de lui sourire complètement, comme l'aurait fait un homme charmé. Il l'était peut-être un peu d'ailleurs, c'est vrai qu'elle a de sacrés atouts, sans compter son décolleté. De jolies yeux, de beaux et longs cheveux dorés, une silhouette fine et élancées. Puis elle est mélancolique, douce, sentimentale... Elle a tout de la fille rêvée. Pour un type normal. Parce que même s'il s'imaginait aisément à son bras, il savait pertinemment que s'il parvenait à poser ses mains sur elle ce soir, demain, il s’enfuirait. L'attachement, ce n'est pas pour lui. Aussi attirante soit la jolie fille.

« Il ne faut pas culpabiliser pour le Jay. Il a l'air d'avoir tourné la page, et... Et vous aviez vos rêves à poursuivre. Peut-être que s'il avait réellement tenu à vous, il vous aurait suivit. On ne fait jamais les choses par hasard, parait-il. »

Il marquait une petite pause pour avaler une gorgée de Whisky, sa gorge lui rappelant très souvent qu'elle était en manque d'alcool.

« Il y avait une femme en Irak qui me le répétait souvent. C'était peut-être simplement pour nous consoler d'une erreur, mais je crois que c'est efficace. On apprend toujours quelque soit notre décision. C'est ça qui nous forge... Notre vécu. »

Il souriait plus doucement en rabaissant ses yeux vers son verre. Il se surprenait franchement à parler comme ça, avec philosophie. L'alcool montait peut-être un peu finalement. Ou alors il se reconnaissait trop bien dans la mélancolie de Jude. Fatigué d'y penser, il levait son verre pour une nouvelle gorgée.

« Je vous proposerais bien qu'on s'installe à une table ? Sauf si vous préférez continuer à broyer du noir toute seule, mais... J'aime bien partager la mélancolie! »

Il avait chuchoté ses derniers mots d'un petit ton amusé. Il est beau parleur, il l'assume pleinement.